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Freitag, 14. Februar 2014

Interview: Hilaire Mbakop avec Camer.be
Von hilairembakop, 14:32

ALLEMAGNE::SOCIETE

Allemagne-Cameroun : Mbakop Hilaire " Une intégration réussie ne peut être rendue possible que par les compétences linguistiques"

Monsieur Hilaire Mbakop est un écrivain d'origine camerounaise très engagé. Il est aussi essayiste et spécialiste de littérature. À Frankfurt am Main en Allemagne où il a fait des études littéraires germaniques, nous avons ensemble passé en revue tous ses ouvrages littéraires. Il vient d'ailleurs de publier son nouveau roman intitulé "La mort d'un handicapé". Dans le cadre de la promotion de nos langues et cultures africaines, il exhorte les écrivains africains à aller de l’avant en traduisant des œuvres d’autres langues vers les langues africaines. Lisez plutôt...


Mr. Mbakop, Bonjour ! Merci de nous accorder cette interview. Vous êtes écrivain, essayiste et spécialiste de littérature. Pour nos lecteurs et lectrices, quelle est la différence entre toutes ces compétences ?

Au sens large du terme, un écrivain est un auteur de livres. Mais en ce qui me concerne, je suis homme de lettres, donc je crée des ouvrages littéraires, des œuvres d’art. Sans être journaliste, je publie des articles dans les colonnes des journaux et magazines, d’où la dénomination essayiste. En tant que spécialiste de littérature, je fais de la recherche scientifique, – recherche dont je publie les résultats comme auteur unique ou comme collaborateur des revues spécialisées. En ma qualité de spécialiste de littérature, je suis habilité à enseigner à l’université, puisque je suis titulaire d’un doctorat ès lettres. J’avais obtenu ce diplôme en 2003 à Francfort-sur-le-Main, avec une thèse sur Heinrich Mann et André Gide.

Pourquoi précisément une thèse sur Heinrich Mann et André Gide ?

J’avais porté mon choix sur ces deux intellectuels pour deux raisons fondamentales : d’une part, parce qu’ils étaient des écrivains engagés ; ils étaient notamment en avant-garde de la lutte contre les régimes dictatoriaux d’Europe entre les deux Guerres. D’autre part, je voulais continuer à pratiquer le français et l’allemand en préparant ce travail de longue haleine.

Intéressons-nous à vos œuvres littéraires. Vous êtes un auteur bilingue, vous vous révélez être un écrivain prolifique; en l’espace de quelques années, vous avez publié cinq livres, dont quatre en 2010. Pouvez-vous nous les énumérer ?

Ma première œuvre, c’est le roman Mambés Heimat: Ein Streifzug durch den Alltag Kameruns. Il a paru en 2007 chez Athena, Allemagne, et compte 172 pages. En 2010, j’ai commis deux ouvrages en France et deux en Allemagne. L’autobiographie Mon enfance et ma jeunesse a paru chez Mon Petit Editeur, Paris. Il en est de même pour le roman La mort d'un handicapé. Quant à la pièce de théâtre Das zerstörte Dorf et le recueil de contes Holzfeuermärchen, ils sont sortis simultanément, à savoir chez Re Di Roma, Remscheid.

De quoi traite votre premier roman ?

Mambés Heimat décrit la situation sociopolitique au Cameroun actuel à travers les promenades quotidiennes du héros dont l’œuvre porte le nom. Retourné dans son pays natal après un séjour de vingt ans aux USA, le quadragénaire va être témoin du fossé entre une poignée de nantis et les masses en proie à la misère, de la mauvaise foi et de l’incompétence des dirigeants politiques, d’une société déliquescente. Mambé va lui-même être victime du désordre institutionnalisé. Il décède à la suite d’un accident de mototaxi. Comme vous le savez, le Cameroun est un pays où les acteurs de ce mode de transport en commun ne détiennent pas de permis de conduire.

Vous êtes dramaturge. De quoi vous êtes-vous inspiré pour votre livre Das zerstörte Dorf ?

C’est une pièce de théâtre basée sur l’anéantissement du village Bawock par les gens de Bali-Nyonga en 2007. Les deux localités sont situées dans le département de Mezam, au Nord-Ouest du Cameroun. Quelques mois après avoir achevé ma première œuvre, j’appris ces événements malheureux et décidai d’écrire un ouvrage dessus. Cependant, j’étais encore indécis concernant le genre littéraire. Par contre, le projet des contes était déjà mûr. Après avoir collecté, saisi et imprimé ces textes, je me rendis quatre fois à Bawock et à Bali-Nyonga en février 2008 pour obtenir des informations verbales sur les causes et le déroulement du conflit, mais également sur l’histoire et la culture des deux tribus. Les entretiens avec les populations constituent donc la source verbale. Le chef de la petite ville Bali-Nyonga m’accorda une audience dans son palais tandis que le chef de Bawock, qui vivait à Bamenda depuis la destruction totale de son village, mit à ma disposition des informations par le truchement des notables. L’un d’eux, l’ethnographe Peter I. Saboh, me remit un VCD intitulé The Bawock crisis ainsi qu’un livret de 28 pages ayant pour titre Bawock village in flames : a true story of a human disaster. Il a aussi écrit l’ouvrage inédit The ethnography of the Bawock people. Malheureusement, tous les deux cents exemplaires qu’il avait gardés furent dévorés par les flammes, car comme je l’ai dit, toutes les habitations du village Bawock ont été réduites en cendres.
Je m’appuyai sur les sources verbales, écrites et audiovisuelles dont j’ai parlé pour renvoyer cette histoire dans une œuvre de fiction qui a un volume de 118 pages. La pièce en cinq actes fait défiler devant les yeux du lecteur ou du spectateur les scènes de la destruction et du pillage systématiques de Bawock par son voisin Bali-Nyonga, de la complicité des autorités administratives et militaires, de la longue et éprouvante fuite des victimes de leur village à Bamenda via Pinyin et Santa, de la nuit froide qu’elles ont passée dans la cour du gouverneur avant d’être logées au palais des congrès de la capitale provinciale, de la visite du ministre de l’administration territoriale qui va leur faire des promesses en l’air, du transport des réfugiés dans leur village où ils vont être parqués dans le bâtiment de l’école publique resté, de l’évaporation des quelques policiers supposé garantir leur sécurité, de la psychose de l’attentat, de la vénalité de la justice, de l’expulsion des réfugiés de l’école à la rentrée des classes et au début de la saison des pluies, des souffrances physiques des Bawockais livrés à la famine et aux intempéries. Dans la scène finale, on apprend que ces conditions d’existence horribles ont déjà coûté la vie à 1.005 Bawockais.
À travers un conflit opposant deux ethnies, la pièce attaque un système essentiellement inhumain et corrompu.


Par rapport à l'œuvre sur l'autobiographie "Mon enfance et ma jeunesse." Pourquoi l'avoir écrite ? Est-ce facile de parler de soi ?

J’ai voulu passer en revue ces phases de ma vie et les dérouler aux lecteurs. C’est un livre important, puisqu’il parle en détail de la région où je suis né et où j’ai grandi, des jeux que je pratiquais, de mes films favoris, de mes relations avec les miens, des travaux champêtres, de mon parcours scolaire, des succès et des difficultés qui y étaient liées, de la culture dans laquelle j’ai été moulé, des endroits où les affectations de mon père nous conduisaient, de la découverte de nouvelles aires culturelles, des années d’études, de ma vie sentimentale et enfin du tournant marqué par mon premier voyage à l’étranger à l’âge de 23 ans. Puisque j’ai écrit ce livre en moins de trois mois, je peux en conclure qu’il n’est pas difficile de parler de soi.

Parlant du roman "La mort d'un handicapé", que voulez-vous montrer avec cet ouvrage ? N’est-ce pas là le domaine de l’absurde ?

L’action du récit se passe dans une ville anonyme. Sur la couverture du livre, il est inscrit qu’il s’agit « d’une descente en enfer implacable », ce qui est exact. Car pour des raisons insondables, Lopi, un photographe de 30 ans, va perdre la vue, sa jeunesse, la couleur de son visage, la capacité de marcher, sa denture, ses cheveux, la voix, tout cela en l’espace de trois semaines. Siba, sa petite amie, qui rêvait de devenir son épouse, va rejeter sa demande de mariage face aux avatars que Lopi subit. Cette fille va brutaliser le handicapé, le priver de nourriture, lui voler ses économies et ses meubles, prendre un amant. Lopi va être abandonné par sa famille, ses amis, la société. À la fin, il va périr dans son appartement qu’il n’avait plus quitté depuis le jour où il était devenu un vieillard.
J’ai écrit ce livre pour exprimer ma propre appréhension, mais aussi pour amener les uns et les autres à méditer sur ces questions que Lopi se pose et auxquelles il ne trouve pas de réponse. Des questions sur l’amour, la beauté, les biens matériels, la vie, la mort. Est-ce que les gens qui prétendent vous aimer continueraient à le faire au cas où vous subiriez des transformations involontaires à l’instar du protagoniste de cette œuvre ? L’homme est-il le maître de son destin ?


Enfin, le recueil de contes Holzfeuermärchen. Ce sont les contes de quelle(s) région(s) ? Dans quel but les avoir recueillis et publiés ?

Il s’agit des contes des peuples dont la langue maternelle est le Medùmbà. Ils vivent principalement dans le département du Ndé, à l’ouest du Cameroun. Dans la préface de l’ouvrage, j’ai formulé les mobiles de la réalisation de cette entreprise. Il était grand temps de fixer ce pan du patrimoine culturel par écrit, puisqu’il menaçait de disparaître. En même temps, tout le monde a désormais accès à ces histoires intéressantes grâce à leur publication. Parmi les quarante-huit contes que contient l’œuvre, quatre sont Bamoun.

Question d'ordre culturel, parlez-vous votre langue maternelle? Si oui, laquelle ? Si non, pourquoi ?

Oui, je parle ma langue maternelle, c’est le Medùmbà.

Sentez-vous bien d'enrichir seulement les langues lointaines?

Les textes que j’ai publiés jusqu’ici sont soit en français, soit en allemand. Quant au Medùmbà, je le parle, mais ne peux l’écrire. Comme je le déplore dans mon autobiographie, on ne m’avait pas enseigné à écrire ma langue maternelle. C’est donc de la faute du système éducatif camerounais si je ne suis pas à même de le faire. Néanmoins, je contribue d’une manière ou d’une autre à la promotion de ma langue, de la culture Medùmbà. Sans mes connaissances en cette langue, je n’aurais pu recueillir les contes dont j’ai parlé plus haut, car la plupart de conteurs ne savent ni lire ni écrire. Je pense qu’il ne suffit pas de réclamer l’appartenance à une communauté linguistique ; il est important de maîtriser parfaitement la langue. Je ne peux enrichir l’allemand et le français que si je les manie aisément. Compte tenu de la mobilité des hommes, nous rencontrons des personnes qui n’ont pas de contact avec leurs langues maternelles. On ne devrait pas les critiquer pour cela, mais les encourager à s’intégrer dans la nouvelle société où elles se trouvent. Une intégration réussie ne peut être rendue possible que par les compétences linguistiques. Lorsqu’on a de très bonnes connaissances d’une langue, elle n’est plus « lointaine. »

Si on vous demandait de traduire le recueil de contes Holzfeuermärchen en plusieurs langues nationales africaines, le feriez-vous ? Pourquoi ?

Si les décideurs du pays avaient inclus l’enseignement des langues nationales africaines au niveau du primaire ou du secondaire, je serais en mesure de traduire le texte en question en ces langues. Comme je l’ai dit plus haut, ce handicap est à imputer au système éducatif dans lequel j’ai été formé. Même dans les universités du pays, l’installation des départements de linguistique africaine s’est faite de façon hésitante. À l’université, j’avais choisi la filière études germaniques, car j’étais bon en allemand depuis le lycée.

Si aujourd'hui, avec toutes vos compétences d'écrire, des jeunes africains vous demandaient des conseils, que leur diriez-vous ?

Le seul conseil que je leur prodiguerais, serait d’avoir confiance en soi, de se fixer un objectif et de travailler dur et de manière ciblée en vue de le réaliser dans les délais.

Avez-vous un message à adresser à ceux qui font des études germaniques ?

S’ils sont assidus, ces études peuvent constituer une clé pouvant ouvrir la porte du vrai succès.

Un vœu personnel et un vœu pour les écrivains africains.

Je souhaite que ma situation financière s’améliore afin que je puisse élargir mon champ d’action concernant mes prises de position socio-politiques.
Je fais vœu que les écrivains africains ne mettent jamais leur art au service des dictateurs qu’on rencontre un peu partout sur le continent.


Un message particulier à tous les écrivains africains qui se battent pour enrichir les bibliothèques des livres en langue(s) maternelle(s) africaine(s)!

Je les exhorte à aller de l’avant. L’une de leurs tâches devrait consister à traduire des œuvres d’autres langues vers les langues africaines.

Un dernier mot!

Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de véhiculer des idées.

Comment vous contacter?

À travers mon site internet: www.hilairembakop.de.hm

Un résumé du nouveau roman
Une descente en enfer implacable, d’autant plus terrifiante qu’inexpliquée. De l’étrangeté du début, le récit bascule dans la détresse la plus viscérale. L’auteur nous fait vivre cette lente agonie, l’isolement, la paralysie, la manipulation, l’impuissance. Alliant horreur psychologique et dégradation physique, une tragédie bouleversante qui laisse sans voix.
Du jour au lendemain, Lopi perd la vue. Pour lui qui est photographe, le cauchemar ne fait que commencer. Car il va vite comprendre que son corps vieillit à une vitesse démesurée. En quelques jours, le jeune homme va tout perdre. Le voilà reclus dans son appartement, prisonnier d’une peur panique, sans le moindre espoir, à la merci de sa petite amie qui lui vole tous ses biens…
Genre : Roman
EAN : 9782748358728
78 pages - Edition brochée
© Camer.be : propos recueillis par Lydie Seuleu
Paru le Jeudi 24 F 2011 08:02:59

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