Lettre ouverte à l'ambassadeur d'Allemagne au Cameroun
Son Excellence, vous avez certainement déjà entendu parler des biens mal acquis du Chef de l’Etat camerounais Paul Biya. Pourtant, ça fait plusieurs années que les ambassadeurs d’Allemagne résident l’un après l’autre dans la villa qui est située au quartier Bastos à Yaoundé et dont le propriétaire n’est rien d’autre que l’autocrate qui règne sur mon pays natal depuis trente ans. Cette maison d’habitation vaste avec jardin et piscine, le président camerounais l’avait achetée grâce au pillage dont sa famille et lui avaient livré l’établissement bancaire SCB dans les années quatre-vingts. Dans une interview accordée à Jeune Afrique en mai 1992, Robert M. Messi, ex-directeur de la SCB vivant en exil, parle d’autres biens que le dictateur a acquis à l’intérieur du triangle national en se servant de l’argent du pillage qui avait conduit à la faillite de ladite banque. La BICIC, BIAO, l’ONCPB et plus tard la Caisse d’Épargne Postale ont connu le même sort pour la même raison. Si l’on ajoute à cela le fait que Biya a volé les 400 milliards de FCFA de la « caisse noire », soutiré d’autres centaines de milliards de FCFA de la caisse de la Société Nationale d’Hydrocarbures, pillé et pille la forêt et d’autres ressources naturelles du Cameroun, on peut bien affirmer que cet homme-là que j’ai qualifié de « chef de bande » dans un article paru dans le magazine afrikapost en décembre 2010 est le Camerounais le plus riche.
Sa famille et lui possèdent des immeubles somptueux ainsi que d’innombrables comptes bancaires à l’étranger. Dans la ville allemande Baden-Baden, Biya est le propriétaire d’une maison qui fait penser à un château. C’est ce que je sais. Peut-être a-t-il d’autres biens immobiliers dans ce pays situé au cœur de l’Europe. Son Excellence, vous devriez informer les Camerounais sur les biens mal acquis que leur président possède dans votre patrie et d’autres pays de l’espace germanophone, surtout en Suisse où il se rend régulièrement.
En même temps, vous devriez faire pression sur lui afin qu’il déclare ses biens, car jusqu’ici, il se dérobe à ce devoir que prescrit l’article 66 de la constitution de 1996. Pourquoi gardez-vous le silence face à l’opacité qui entoure la gestion des affaires de l’Etat au Cameroun ? Pourquoi ne critiquez-vous pas ouvertement le fait que Biya a enterré la démocratie au Cameroun ? Ne s’agit-il pas d’un silence complice ? Voulez-vous nous faire croire que vous n’êtes pas au courant du fait que Biya est le propriétaire de la villa où vous habitez ? N’est-ce pas vous qui lui versez le loyer ?
Son Excellence, veuillez changer de domicile. Faites-le au nom de la démocratie ! Mais je ne vous demande pas de sortir de cette villa-là pour emménager dans une autre appartenant à Biya ou à un autre ayant détourné les deniers publics, car ils en ont plusieurs dans la capitale du Cameroun ! Déménagez le plus tôt possible ! Ce serait un signal fort adressé au tyran ! Le peuple camerounais saluerait votre geste ! Ce peuple qui souffre justement à cause du manque de transparence et de la cupidité de son président ! Si vous ne déménagez pas vite, j’irai exposer le problème de vive voix au Bundestag !
En juin 1936, l’écrivain Heinrich Mann mit l’opinion mondiale en garde contre l’organisation des Jeux Olympiques qui devaient avoir lieu au mois d’août à Berlin. Son appel de boycott tomba dans les oreilles de sourds. Trois mois plus tard, Hitler déclencha la Deuxième Guerre Mondiale au cours de laquelle il fit massacrer 6.000.000 de Juifs européens. Le dictateur Biya est aussi un acteur de génocide, car il a le sang de 545.500 Bamiléké sur ses mains. C’était un actif de bureau sous Ahidjo, comme l’a été Eichmann sous Hitler ou Foccart sous de Gaulle. Mais soutenu par les dirigeants de la République française qui est co-auteur de l’holocauste qu’ils nient, Biya n’a pas encore été jeté en prison.
Son Excellence, vous logez donc dans la villa d’un individu qui a non seulement des biens mal acquis, mais qui est de surcroît un grand criminel !
Veuillez agréer, Son Excellence, mes salutations distinguées.
Bamenda, le 29 septembre 2012.
Hilaire Mbakop,
Écrivain.
